Et pour reprendre la série d’interviews de professionnels du monde de l’édition & du livre, comme promis dans cet article, je poursuis avec une nouvelle invitée, à savoir Miss Roxane Edouard !

Roxane a plusieurs casquettes à son actif – responsable des droits de traduction pour une agence littéraire londonienne, Curtis & Brown, elle représente également plusieurs auteurs francophones (dont je fais partie) en tant qu’agent littéraire. Un métier qui fait doucement sa place dans le paysage éditorial francophone, comme le montre par exemple cet article, et qui, selon toute probabilité, va prendre de plus en plus d’ampleur en Francophonie.
Sans plus de blabla, place à l’interview !
- Hello Roxane et bienvenue parmi nous! Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Hello à tous et toutes ! Je suis une Française immigrée à Londres depuis presque six ans maintenant. Après un baccalauréat scientifique, j’ai fait un master d’anglais, puis un second master traduction d’édition (oui, j’ai eu du mal à quitter la fac !). Après quelques stages dans l’édition en France et en Angleterre, j’ai décroché un poste d’assistante au sein de l’agence Michelle Lapautre à Paris où je travaillais essentiellement en jeunesse, un domaine que j’affectionne particulièrement. J’y suis restée un an et demi avant que l’appel de Londres ne se fasse trop pressant. Je suis également une passionnée de littérature de l’imaginaire depuis toujours. J’ai d’ailleurs rédigé ma dissertation de master sur la place réservée aux femmes noires dans les littératures de l’imaginaire en travaillant plus précisément sur Octavia E. Butler et Nalo Hopkinson. Au risque de paraître terriblement niaise, je peux dire que les romans d’Octavia E. Butler ont tout changé pour moi. Il y a clairement un avant et un après Octavia.
- Tu as plusieurs casquettes – chargée de droits étrangers chez Curtis & Brown ainsi qu’agent littéraire représentant des auteurs francophones. En quoi consistent ces différentes tâches ?
En effet, à CB, j’ai d’abord été recrutée pour assister deux agents dont les auteurs sont essentiellement des auteurs américains. J’ai par la suite eu l’opportunité d’évoluer et de représenter mes propres auteurs américains également et dont nombreux sont des auteurs jeunesse. En fait, nous travaillons en partenariat avec une agence américaine ICM Partners et nous chargeons de leur droits étrangers. C’est-à-dire que nous vendons les droits des titres de leurs auteurs à des éditeurs étrangers. C’est vraiment passionnant car, non seulement nous avons l’opportunité de voyager mais également d’être constamment en contact avec des personnes à l’étranger et de leur parler de livres ! J’idéalise un peu, il y a bien sûr beaucoup d’administratif et nous ne sommes pas en déplacement tous les jours mais je ne peux pas m’imaginer faire autre chose.
Pour ce qui est des auteurs francophones, c’est un projet encore à ses balbutiements que j’essaie de développer depuis à peu plus d’un an en parallèle de nos autres activités à CB. Je trouve qu’il y a un manque chez beaucoup d’auteurs francophones tant dans la façon dont ils sont représentés en France, mais aussi à l’étranger. Certains s’en sortent très bien, bien sûr mais pour beaucoup, ils tâtonnent et c’est encore difficile de savoir ce qui est standard et ce qui ne l’est pas. J’ai commencé par travailler en partenariat avec des maisons d’édition française comme Hachette. Nous avons d’ailleurs connu pas mal de succès à l’international avec leur série de fantasy jeunesse Oniria de B.F. Parry et j’aimerais vraiment poursuivre ce type de collaboration avec les éditeurs français. Ce qui me tient à cœur est aussi de représenter des auteurs francophones directement et non par le biais d’un éditeur, de travailler le texte de leur manuscrit avec eux, de construire leur carrière en France mais aussi à l’étranger. C’est un projet à long terme et qui va prendre du temps. Après tout, un livre ne s’écrit pas en une nuit et parfois le processus de soumission est tout aussi long, mais je suis patiente.
- Quelles sont tes motivations, en tant qu’agent ? Pourquoi avoir choisi ce métier ?
Comme je le disais, je ne me vois pas exercer un autre métier. J’aime le contact avec les auteurs et avec les éditeurs français et étrangers. J’aime me faire une meilleure idée d’une culture ou d’une personne en me basant sur leur goût littéraire. J’aime trouver le livre qui fera succomber un éditeur. En tant qu’agent, mon rôle est de développer la carrière de mes auteurs dans un marché en particulier, de les accompagner et bien sûr de négocier les meilleures conditions possibles pour la parution ou la traduction de leur ouvrage tout en prenant en compte la réalité du marché et des maisons d’édition.
- Concrètement, que peut apporter un agent à un auteur francophone ?
Chaque auteur a des attentes différentes mais selon moi, tout l’intérêt d’avoir un agent est de former une équipe avec des relations basées sur la confiance et l’honnêteté. Après tout, un texte est toujours quelque chose de très personnel. Avec les auteurs francophones, je re-travaille les textes, pas comme une éditrice ce que je ne prêtant pas être, mais j’aime pousser mes auteurs à se dépasser et à innover. Une fois le texte prêt, commence le processus des soumissions et de relances. Une fois qu’il y a une offre sur un texte, la négociation commence et un des avantages d’avoir un agent selon moi, est qu’il en mesure de conserver certains droits tels que les droits étrangers ou encore les droits audio-visuels si cela est justifié. Nous bénéficions aussi du soutien de service juridique et de comptabilité. Pour faire simple, nous nous occupons de tout l’aspect administratif et pratique afin que l’auteur puisse se consacrer à l’écriture. Le rôle d’un agent ne s’arrête pas une fois un deal finalisé. Il est aussi là pour conseiller et aider par la suite par exemple lors de la promotion d’un ouvrage.
- Et dernière question – Acceptes-tu des soumissions spontanées ?
J’accepte les soumissions spontanées mais je suis très sélective et pas toujours aussi rapide que je le souhaiterais. Je suis à la recherche de projets originaux et bien écrits tant en jeunesse qu’en adulte. Comme vous l’aurez compris, j’affectionne particulièrement les littératures de l’imaginaire mais cela reste un marché difficile surtout en adulte et il faut vraiment se démarquer et que j’ai un véritable coup de cœur. Je suis également ouverte à des textes qui n’appartiennent pas aux domaines de l’imaginaire. Je suis d’ailleurs en train de travailler avec une auteure en adulte et son roman est tout ce qu’il y a de plus réaliste. Je prends peu d’auteurs mais chaque texte que je défends doit me tenir à cœur et me parler.
Pour l’aspect plus pratique, je demande un synopsis et les trois premiers chapitres.
Merci de m’avoir invitée ! C’est la première fois que je me prête à ce type d’exercices. J’espère que ce qui en ressort est que je suis passionnée par ce que je fais et que j’espère communiquer ma passion pour les auteurs que je défends en France et à l’étranger.