You Look Disgusting – Vive la diversité

Il y a quelques jours, grâce à l’excellent site Madmoizelle, j’ai visionné cette vidéo d’une youtubeuse beauté, qui, pour s’être dévoilée sans maquillage à la caméra, s’est prise, de la part  de pas mal de personnes, des commentaires injurieux et blessants. « You look disgusting » – Tu es dégoûtante – ou encore « I can’t bear looking at you » – Je ne peux pas supporter ta vue – entre autres joyeusetés.

En regardant la vidéo, et ce même si vous ne comprenez pas l’anglais, vous pourrez aussi remarquer que cette jeune femme est aussi insultée quand elle se maquille – « false advertising » (publicité mensongère) n’en est qu’un exemple.

C’est un témoignage qui m’a énormément touchée, comme elle le ferait chez toute personne dotée d’un minimum d’empathie, mais aussi parce que moi-même, j’ai été victime de ce genre de harcèlement.

Aussi, aujourd’hui, ce sera un article plus intime que ce que vous avez l’habitude de lire sur ce blog, un coming-out nécessaire, je pense, car il est important pour moi d’apporter ma petite pierre à l’édifice en témoignant que oui, le harcèlement est toujours présent et que oui, il peut vous détruire. Et que non, personne n’a à le subir.

J’ai été harcelée au collège et au lycée pour quantité de raisons.

Parce que je ne suivais pas la mode.

Pour ma couleur de peau.

Pour mon prénom.

Pour mes cheveux.

Pour mes rondeurs.

Parce que je ne parlais pas aussi fort que les autres – ce qui m’a valu la jolie dénomination d’ antisociale.

Vous trouvez ça débile ? Moi aussi.

Mais c’est seulement après que l’on s’en rend compte. Sur le moment, quand vous êtes seule face à vos harceleurs, que cela se reproduit au quotidien, vous ne trouvez pas ça « débile » ou « stupide ». Ces mots que l’on vous lance à la tronche, jour après jour, finissent par vous coller à la peau. Ils s’immiscent dans votre esprit, corrompent votre estime de vous, faussent votre jugement. Vous finissez par vous dire « Si l’on me le dit aussi souvent, c’est que cela doit être vrai. » C’est une spirale infernale, destructrice, nocive pour vous comme pour votre entourage.

Je n’en ai jamais vraiment parlé jusqu’ici, parce qu’avec le harcèlement, vient aussi la honte. Honte d’en parler à haute voix, honte de se livrer à d’autres personnes, avec la peur au ventre qu’elles aussi finissent par vous dire que vos harceleurs ont raison.

J’ai survécu à cette époque, à ces années que je ne peux pas évoquer, que ce soit ici ou à voix haute, sans une boule au ventre. Même maintenant, 14 ans après avoir obtenu mon diplôme et être sortie de ce lycée sans un regard en arrière, trop contente de quitter cet univers, c’est un sujet que je n’aime pas évoquer.

Il y a des mots, des visages, des noms qu’on ne peut pas oublier. Et s’ils étaient jusqu’ici une blessure & le resteront, paradoxalement, aujourd’hui, j’en tire aussi de la force.

Ce qui m’a décidé à témoigner, outre la vidéo de cette jeune femme, c’est aussi ce que je vois de plus en plus sur Twitter & ailleurs, à savoir un courant d’air bienvenu, un mouvement d’opinion qui se bat pour changer les mentalités. Pour une société plus juste, plus tolérante également. Et, si je soutiens à ma manière cette vague que je trouve chaque jour plus fascinante, plus importante aussi, que ce soit ici ou sur les réseaux sociaux, il était temps, je pense, que je parle plus ouvertement de ce sujet.

Nous pouvons tous subir le harcèlement. Qu’il soit virtuel ou réel. Que nous soyons jeunes, vieux, grands, petits, minces, gros, que notre peau soit blanche ou pas, que nous portions n’importe quel prénom ou que nous soyons à la pointe de la mode ou pas.

Peu importe la raison pour laquelle on vous harcèle.

Car, en aucun cas, vos harceleurs n’ont raison.

Retenez bien ceci : ILS N’ONT PAS RAISON.

Le venin, qu’il soit dans les mots que vous entendez ou les commentaires que vous recevez, reste du venin. Ce n’est pas un miroir où vous trouverez un reflet fidèle de vous-même. Ce ne sont pas des ordres auxquels vous devez vous conformer, ni des instructions que vous devez suivre pour être plus heureux.

Cela reste des insultes. Des moqueries. Du mépris. Du dédain.

Une pile d’ordures.

Et vous savez ce que l’on fait avec des ordures ?

On les évacue et on les fait disparaître.

Aucune insulte, aucun mot violent, aucune raillerie ne peut vous empêcher d’être ce que vous êtes, ni d’accomplir ce que vous voulez faire. Vous, et vous seul, avez ce pouvoir.

La prochaine fois que vous vous regarderez dans un miroir, pensez à ceci.

La source de tout harcèlement, c’est cette représentation que l’on nous renvoie au quotidien, ces « canons de beauté », ces images grâce auxquelles un « on », aussi anonyme qu’omniprésent, fait pression sur nous pour que nous nous y conformions.

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Ceci vous rappelle-t-il quelque chose ? Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres…

Des images stéréotypées à l’extrême, qui sont pourtant toujours utilisées pour nous dire ce que nous devons penser, comment nous devons agir, ce que nous devons porter.

Tu ne corresponds pas à cette image ? Honte sur toi !

Et il n’y a pas que sur les panneaux publicitaires qu’on les rencontre.

Dans les films au cinéma, les séries à la TV ou encore dans nos lectures.

Je suis lassée, fatiguée, énervée aussi de voir souvent les mêmes types de personnages en tant qu’héros ou héroïne.

J’en ai assez que l’on me mette sous le nez des figures qui ne me correspondent pas. Auxquels je n’ai aucune chance de m’identifier, que ce soit maintenant ou quand j’étais ado.

Heureusement, comme je le disais plus haut, les choses changent. Et nous pouvons tous y contribuer.

Pour ma part, je veux des livres qui illustrent la diversité de notre société. Qu’on parle de personnages comme l’on pourrait en côtoyer dans la vie de tous les jours, qu’ils soient grands, gros, maigres, avec des boutons, des lunettes, qu’ils aient des accents, des appareils dentaires, qu’ils connaissent des problèmes, petits comme grands, des personnages auxquels j’aurais pu m’identifier ado. Auxquels une partie de moi-même peut toujours s’identifier, d’ailleurs.

Je veux des personnages qui bouleversent les idées reçues, qui ruent dans les brancards, qui mettent à bas les préjugés, qui me fassent voir le monde et la société où nous vivons différemment, qui me donnent de l’espoir, qui me fassent rire, pleurer, me fassent me souvenir de mes heures les plus sombres et qui me tendent la main pour mieux voir la lumière au bout du tunnel.

L’ado que j’ai été aurait adoré lire de tels livres. Je sais qu’elle les aurait lus avec une vague irrépressible d’amour dans son coeur, qu’elle aurait pleuré sur ces pages, qu’elle les aurait peut-être même serrés contre elle, une fois la lecture finie.

L’adulte que je suis aimerait toujours les lire.

Et l’auteur que je suis aussi les accueille à bras ouverts.

C’est un fait dont j’ai pris conscience, dans mon parcours d’écriture, une tendance qui s’affirme de plus en plus, c’est cette envie de prendre les histoires que j’entends autour de moi et de les tisser dans mes récits, de leur donner un nouvel éclairage, de mettre sous le feu des projecteurs des personnages qui, jusqu’ici, étaient plutôt habitués aux rôles de figurants, quand ils n’étaient pas oubliés au fond des cartons ou dans les placards.

J’ai envie d’intrigues qui explosent les frontières, dérangent et secouent.

C’est une volonté d’explorer, de se mettre dans la peau de quelqu’un d’autre et de raconter son parcours. Ses expériences.

Cette intention d’écriture ne sera pas toujours facile, mais c’est quelque chose que je me dois à moi-même, en tant que personne & auteur.

Quelque chose que je dois à tous ceux qui liront ces lignes et qui peut-être s’y reconnaîtront.

Enfin, je terminerai ce – plutôt long – post par vous dire que, si vous voulez des bouquins de ce type, parlant de la diversité et la mettant à l’honneur, (et pas seulement que des bouquins d’ailleurs !) voici quelques sources – outre ce blog et mon compte Twitter – où les trouver, VF comme VO :

Callioprofs

We Need Diverse Books

Comment tu t’habilles

Gay YA

Madmoizelle

Le brillant article de Lise Syven sur le harcèlement scolaire

Young Adult, I love you

Et enfin, cette liste de titres YA établie par l’auteur James Dawson, exclusivement en VO, tous reflétant une des facettes de la diversité

17 réflexions sur “You Look Disgusting – Vive la diversité

  1. Pingback: Mon nom est colère | Comment tu t'habilles...
  2. Je pensais te laisser un long commentaire à ce sujet, mais il faut que je mette de l’ordre dans mes idées. Comme tu t’en doutes, ça remue des choses, assez pour que j’ai toujours du mal à en parler de façon sereine.

    En tout cas, concernant ce côté matraquage médiatique, je ne peux qu’aller dans ton sens. Il est absurde, en plus, parce qu’il suffit de marcher un peu dans un centre ville ou dans un centre commercial pour s’apercevoir que nous sommes d’une incroyable richesse de styles, de genres, de morphologies, marqués par l’âge ou pas, par les coups durs ou non. Ces derniers jours, c’est dans des clips que j’ai vu les plus belles représentations de gens « communs » (va regarder le clip de l’original de People help the people sur ma page FB, je le trouve formidable).
    Eh oui, dans les romans, les personnages n’y échappent pas, le pire étant que les lecteurs le plébiscitent (regarde ce qui plait aux filles, dans les ‘romances’ qui fonctionnent : de gros clichés de bô gosses sur pattes ; moi la première, je joue avec…). Mais c’est quand même le cinéma (US) qui fait le plus de mal. Les casting ne jouent que sur les apparences et leurs acteurs esthétiquement parfaits en deviennent lisses, inexpressifs. Quand je reviens vers d’anciens films, je trouve qu’on a perdu ce que je préfère de loin chez un acteur : le charisme, une certaine présence à l’écran.
    On en parlait d’ailleurs avec ma moitié ce matin-même. On est dans une société hyper-superficielle, qui voue un culte aux apparences, à la beauté, alors que les meneurs restent avant tout les gens très sûr d’eux, charismatiques, et contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce ne sont pas forcément des gens « beaux » dans le sens « esthétiquement parfait », mais c’est clair que ceux qui le sont se retrouvent sacrément aidés…
    J’adore les discours contradictoires de notre société, par ailleurs. Il y a de quoi écrire des romans entiers dessus. ^^
    Pour ma part, côté personnages, je veux surtout pouvoir découvrir des gens « communs », qui ne vont pas changer l’ordre des choses mais faire leur place, trouver leur voie et leur voix, et qui auront le droit d’être ce qu’ils sont, y compris quand ils sont hyper introvertis. Pas étonnant, avec ça, que Les fiancés de l’hiver fut un coup de cœur, l’an passé.

    • Merci, Roanne, pour ta réaction. Et entièrement d’accord pour les acteurs & actrices – ca en vient au point que je ne peux même plus distinguer les uns des autres, tant en fait, ils se ressemblent presque tous ! Oui, ca vient des US mais en même temps, c’est là-bas (et aussi en Angleterre) que le mouvement « We need diverse books » est né, comme quoi il y a toujours de l’espoir 🙂

      • Je ne suis pas d’accord, en Angleterre, au contraire, je trouve que les acteurs sont souvent des « gueules ». J’adore les séries anglaises pour ça. Regarde un peu Misfits. Ça se pose là. ^^
        En version USA, ils t’auraient casté des acteurs bien propres sur eux, agréables à regarder. Misfits version Beverly Hills. Au secours.
        D’ailleurs, en parlant de Misfits, l’un des acteurs est parti sur Games of Throne, à savoir Iwan Rheon (gallois dont j’ai toujours trouvé qu’il avait un jeu excellent et une tête à jouer les psychopathes, bah blam, on ne peut pas dire que je me sois trompée, il est flippant à mort dans GoT, du peu que j’ai pu voir, vu que j’ai lâché l’affaire sans même terminer la saison 4).
        Bref, pour en venir à GoT. La force de cette série ? La « gueule » de nombreux acteurs et actrices, certains n’étant vraiment pas des canons. Et quand tu creuses… beaucoup, beaucoup viennent du Royaume-Uni (oups, je m’aperçois qu’il y a même un danois dans le lot ^^).
        Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de « gueules » dans le cinéma et les séries US, c’est juste qu’on ne les retient pas pour le « mainstream » ou alors pour des très seconds rôles.
        Par contre, je ne doute pas un instant que dans l’underground on doit trouver des pépites, mais pour ça il faut chercher et s’y connaître. Comme ce n’est pas ma spécialité/passion, je ne le fais pas.
        Pour les romans, je ne sais pas ce que donne vraiment le « We need diverse books », n’étant pas anglophone et incapable de lire en anglais, mais je suppose juste que ça ne s’adresse pas aux mêmes publics.

      • Tu m’as mal comprise, je ne parlais pas du tout du manque de charisme des acteurs britanniques, loin de là. Et bien entendu qu’il y a toujours des « gueules » présentes au cinéma ou dans les séries – heureusement pour nous spectateurs d’ailleurs ! Bien entendu que le cinéma indépendant prend plus de risques dans ce cadre.
        Non, ce que je parlais, c’est autant on peut citer Hollywood & Co comme « nid » pour cette image superficielle, qui rehausse encore les canons de beauté auxquels une grande partie d’entre nous ne risque pas de s’identifier, autant – paradoxalement – les campagnes pour promouvoir la diversité viennent de là-bas et d’Angleterre aussi. Je citais We Need Diverse Books parce que cette campagne m’a marquée – tu n’as pas forcément à connaître l’anglais pour comprendre le sens des nombreuses affiches qui sont sur leur site, d’ailleurs – et j’aimerais franchement qu’on l’importe en francophonie. 😉

  3. (oups, sorry, je m’aperçois que j’ai répondu trop vite, quand tu parlais de l’Angleterre c’était uniquement pour le mouvement « We need », pas pour leurs castings, mea culpa, bref, ne tient pas compte du tout début de ma réponse)

  4. Cet article me touche, car bien que je n’ai jamais subi de harcèlement ce sujet m’interpelle. Quels mécanismes transforme un groupe de jeunes ado. ou d’enfants tout ce qu’il y a de plus « normal » en un groupe de tortionnaires ? Comment la « cible » de la méchanceté est-elle « choisie » ? Le plus souvent les caractéristiques physiques ne sont que des prétextes à cela. J’ai conscience que le harcèlement peut ruiner des vies et peut avoir un impacte sur le long terme sur la vie des victimes et sur leur personnalité ! On n’en parlera jamais assez…
    Cet article me touche aussi, lorsque vous parlez des normes de beauté actuelles. Ces critères dont nous sommes mitraillés toutes part sont lourds à porté.
    Trois remarques blessantes au lycée (bien que mon poids était normal), il y a 8 ans déjà, m’ont lancé dans la folie des régimes et m’on fait toucher du doits les troubles du comportement alimentaires. Je ne dis pas que la seule cause était ces remarques mais elles ont agit comme un éléments déclencheur. J’ai donc passé les dernières années entre bas et hauts et j’ai tellement perdu de temps et d’énergie dans ces préoccupations et ces agissements malsains, je me suis fais beaucoup de mal… et je sorts à peine la tête de l’eau, révoltée comme jamais contre cette société et ses critères de beauté !

    • Je comprends d’autant plus ton témoignage que j’ai longtemps eu une relation amour/haine avec mon propre corps, je sors aussi la tête de l’eau depuis quelque temps et c’est impressionnant de voir à quel point ces remarques, qui ont été formulées il y a tellement d’années, peuvent encore nous hanter… Plein de courage à toi dans cette voie et je partage entièrement ta révolte.

  5. Beaucoup de bon sens et d’émotion dans ton billet. J’approuve.
    Il faut apprendre aux enfants à se distancier de cette société où le paraître prend le pas sur l’être. Et les armer pour supporter les remarques désobligeantes qui arrivent dès qu’on refuse d’entrer dans le moule qu’on veut nous imposer.
    Ta réaction et ton témoignage sont très dignes et très forts. Bravo.

  6. Bon la vidéo m’a émue.
    J’ai subit la méchanceté, en moindre mesure bien sûr. Et je me suis laissée faire, j’ai fermé les yeux et passé mon chemin, si bien que même aujourd’hui j’ai encire du mal à aller vers les gens parce que j’ai peur de déranger. Surtout que même adulte, les mêmes schémas se reproduisent. Mais c’est vrai qu’au niveau physique extérieur on est beaucoup matraqué par des images photoshopé. Certaines artistes osent se montrer au réveil et sans maquillage ( je pense à Katy Perry mais d’autres le font) qui tout de suite sans maquillage ressemblent plus à madame tout le monde.
    Des auteurs jouent avec ça, dans Nuit de noce à Ikonos de Sophie Kinsella on a le point de vue de deux sœurs, l’une trouve que son mec est le plus beau de la terre, sexy et tout, l’autre trouve que le même gars ressemble à Gordon Brown. ^^

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