Challenge We Need Diverse Books #5 et #6

Si vous ne connaissez pas encore ce challenge et RDV du samedi, zieutez donc ici !

Aujourd’hui, je vous présente – à nouveau! – deux romans qui m’auront touché chacun à sa manière. On commence par…

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The Disreputable History of Frankie Landau-Banks par E. Lockhart

YA contemporain – VO (pas de VF pour le moment) – Niveau avancé

Pourquoi avoir choisi ce roman ?

J’ai eu l’occasion l’année dernière de lire mon premier livre de cette auteur, intitulé We Were Liars (jetez donc un oeil sur mon bilan lecture 2014 pour plus d’infos). De plus, ce livre a obtenu une cote de 9 auprès des Book Smugglers. Il ne pouvait que m’intéresser…

Thèmes principaux

Sexisme – Différences hommes/femmes – Education pour tous

4e de couv’

Frankie Landau-Banks at age 14:
Debate Club.
Her father’s “bunny rabbit.”
A mildly geeky girl attending a highly competitive boarding school.

Frankie Landau-Banks at age 15:
A knockout figure.
A sharp tongue.
A chip on her shoulder.
And a gorgeous new senior boyfriend: the supremely goofy, word-obsessed Matthew Livingston.

Frankie Laundau-Banks.
No longer the kind of girl to take “no” for an answer.
Especially when “no” means she’s excluded from her boyfriend’s all-male secret society.
Not when her ex boyfriend shows up in the strangest of places.
Not when she knows she’s smarter than any of them.
When she knows Matthew’s lying to her.
And when there are so many, many pranks to be done.

Frankie Landau-Banks, at age 16:
Possibly a criminal mastermind.

Mon avis

Une élève hors du cadre dans un pensionnat ultra sélect’ ? Check.

Une jeune fille qui refuse non seulement d’être exclue d’une société secrète n’acceptant que des garçons, mais aussi d’être réduite à son statut de girlfriend de l’un des membres ? Check.

Un esprit libre, qui décide de prendre le pouvoir et de prouver sa valeur ? Check.

Pour autant, et même si ce roman comporte de nombreux passages devant lesquels je vous défie de ne pas rire/sourire, le roman entier est baigné d’un ton doux-amer. Doux-amer, car réaliste : même si l’héroïne, cette chère Frankie, parvient à ses fins – je vous laisse découvrir comment – l’auteur ne la ménage en aucun cas, pas plus qu’il n’y a de happy end à la fin. Une fin d’autant plus marquante qu’elle donne à réfléchir : la voix d’une femme/fille a-t-elle autant de « poids » que celle d’un de ses pairs masculins ? L’enseignement transmis dans ce genre d’établissements donne-t-il aux élèves féminines la liberté d’expression, les moyens pour se construire une carrière pro par la suite ou au contraire les conditionne-t-elles déjà dans un rôle de femme au foyer, sans qu’elles aient réellement leur mot à dire ?

Bien loin des triangles amoureux sulfureux, qui ont toujours la cote, Frankie se voit confrontée non seulement à un petit ami « parfait » en apparence, mais aussi à son cercle d’amis et parmi lesquels le « top dog », un élève qui se traîne une réputation d’audace et de risque-tout. Un cercle qui l’accepte en son sein parce qu’elle est la petite amie de l’un d’entre eux, comme Frankie ne tarde pas à le réaliser, et en aucun cas pour ce qu’elle a à apporter. D’ailleurs, la réaction de ce cercle quand une fille se retrouve larguée par son copain est juste choquante, presque violente. Autant d’éléments qui donneront à Frankie l’audace pour agir.

L’auteur a aussi le chic pour nuancer les portraits de ses héros, sans qu’il y ait de bons/mauvais parmi les personnages. Une tendance que j’avais déjà pu voir dans son We Were Liars et qui est finement amenée dans ce roman. Au-delà de la distinction hommes/femmes, les actes de Frankie pour se rendre maîtresse de la confrérie secrète du pensionnat amènent d’autres questions : est-il gratifiant d’être le rebelle, celui qui s’élève contre l’ordre établi ? Ou n’est-ce qu’une manoeuvre pour être intégré ? Pour prendre le pouvoir et ce à n’importe quel prix ?

Un roman qui questionne, qui dérange et qui fait réfléchir, un livre à ne pas manquer!

L’autre roman est un véritable coup de coeur. Ladies and gentlemen, I give you…

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Les aubes écarlates – Sankofa Cry de Léonora Miano

Pourquoi avoir choisi ce roman ?

J’avais déjà eu l’occasion de découvrir cette auteur grâce à son dernier-né La Saison de l’Ombre, prix Femina 2013 et chroniqué par mes soins ici. Un roman qui m’avait bouleversé, autant par son style que par son histoire. Les aubes écarlates attendaient tranquillement que je l’ouvre et laissez-moi vous dire, c’est une autre perle à la couronne, déjà brillante, de Léonora Miano.

Thèmes principaux

Enfants-soldats – esclavage – commerce triangulaire – devoir de mémoire – racisme

4e de couv’

 Au Mboasu, petit état d’Afrique équatoriale, vieux dictateur et enfants soldats se disputent le pouvoir en déchirant le pays. Pendant ce temps, comme le fait Ayané dans un orphelinat de guerre, les femmes s’échinent à recoller les morceaux. Portés par le verbe des morts et des disparus, elles renforcent le lien entre l’Afrique d’hier et celle d’aujourd’hui. C’est par elles que ce continent construira son avenir.

Mon avis

Une fois n’est pas coutume, je vais commencer par un extrait. Lisez et savourez !

Qu’il soit fait clair pour tous que le passé ignoré confisque les lendemains.

Qu’il soit fait clair pour tous qu’en l’absence de lien primordial avec nous, il n’y aura pas de passerelle vers le monde.

Qu’il soit fait clair pour tous que la saignée n’est pas asséchée en dépit des siècles, et qu’elle hurle encore, de son tombeau inexistant.

Qu’il soit fait clair pour tous que rien ne sera reconstruit, chez ceux qui n’assurèrent pas notre tranquillité.

Ne crains pas de comprendre, de rapporter notre propos. Nous sommes les cieux obscurcis qui s’épaississent inlassablement, tant qu’on ne nous a pas fait droit.

Une critique a dit de ce roman qu’il avait la puissance d’un exorcisme. Une métaphore qui me semble tout à fait adéquate pour parler de la voix puissante, envoûtante, à la fois incisive et libératrice, de Léonora Miano. C’est un voyage dans une Afrique où passé, présent et avenir se confondent, une Afrique – le Continent, comme l’appelle la romancière – où les morts ne peuvent pas se taire, où les oubliés de l’Histoire, depuis ceux qui furent enlevés pour être emmenés par bateaux entiers jusqu’aux enfants recrutés par les milices et autres rébellions, crient, encore et toujours, pour que les vivants leur rendent enfin ce qui leur est dû. Une passerelle vers l’autre monde, une voix qui reconnaît leur histoire.

Par les voix d’Ayané, jeune femme qui a subi l’ostracisme dans son village en raison de son statut de « fille de l’étrangère », d’Eso, ancien enfant-soldat devenu carnassier et kidnappeur à son tour, Epa, rescapé de cet enfer qui a vu son frère sacrifié sous ses yeux et qui veut ramener les siens chez eux et enfin, Epupa, prophétesse, pythie enceinte jusqu’aux yeux, celle qui apporte réconciliation et dignité dans un village divisé, la romancière trace une toile ensanglantée, sombre, presque insupportable dans son intensité. Elle raconte les injustices, la corruption, l’exploitation sans fin des petits par les grands, des insignifiants par les puissants. Elle raconte les drames, les rafles dans les villages, les meurtres et les pillages.

Miano ne serait cependant pas Miano si elle ne dessinait pas aussi l’espoir, fragile, mais bien présent, d’une génération qui ne veut plus ignorer le passé. Qui en a besoin même pour bâtir son avenir. Pour que ceux habitant le Continent ainsi que les membres de la diaspora africaine éparpillée de par le monde puissent enfin évoquer leurs ancêtres. C’est un périple, une quête qui ne se fait pas sans dénoncer les maux dont souffre le Continent : l’oubli, la corruption, la spoliation, la violence. L’inaction de la Communauté Internationale, qui ne prend attention aux affaires du Continent que pour mieux veiller à ses intérêts.

C’est un roman où il ne faut pas craindre de se laisser emporter par la voix de l’auteur, de s’immerger dans ce tourbillon, où se mêlent boue et sang, mais aussi espérance. Où il ne faut pas craindre le Sankofa Cry.

– Sankofa ! Pour résider en nous-mêmes, mais aussi hors de nous, réconciliés avec nos peines. Sankofa! Pour nous délivrer de toute haine.

Une voix qu’il faut découvrir d’urgence. Je peux vous dire que, pour ma part, ce ne sera pas la dernière fois que je lirai cette auteur.

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Une réflexion sur “Challenge We Need Diverse Books #5 et #6

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