Derrière ce titre, qui ressemble furieusement à celui d’une dissertation – aucun risque que je vous en impose une, je n’étais pas des plus brillantes dans cet exercice à l’école! – je veux surtout parler d’un sujet qui me tient à coeur. Je l’ai déjà effleuré dans des articles comme celui sur la Banned Books Week, mais je m’aperçois que je n’ai pas vraiment livré mes sentiments sur ce thème. Allons-y donc pour un coeur-à-coeur !
Je vais commencer par une anecdote, qui m’est arrivée à plusieurs reprises lors de mes dédicaces. Outre les questions habituelles que le public peut me poser – « De quoi ça parle? » ou « C’est une trilogie? » – on m’a aussi demandé :
« C’est écrit pour les filles ou pour les garçons? »
Passé mon premier moment de surprise – car honnêtement, je n’ai jamais réfléchi en ces termes – j’ai répondu spontanément : « Pour les deux. » Et c’est vrai. En écrivant les Outrepasseurs, je ne me suis pas interrogée en terme de public, et encore moins en pensant à son sexe. J’ai écrit l’histoire que je désirais et je pense que chacun peut y trouver son compte.
Néanmoins, cette question m’a interpellée et en y réfléchissant, je me suis dit que je pouvais comprendre l’intention derrière les mots. Mon but n’est pas de « diaboliser » les personnes m’ayant posé cette question ou de les pointer du doigt. Au contraire, si j’essaie de me mettre à leur place, comme je le dis, je peux les comprendre. Pour autant, je ne cautionne pas cette division et même cette sélection.
Le constat est triste, mais vrai: notre société met en place des associations automatiques, presque instinctives, qui veulent que par exemple, la plupart des poupées offertes aux petites filles arborent des cheveux blonds et des yeux bleus (et c’est une blonde aux yeux bleus qui vous en parle). Ou encore, que les garçons préfèrent jouer avec des Legos. Des associations pareilles, vous pouvez en trouver à la pelle. Des étiquettes qui nous sont imposées, parfois de force et qui ne reflètent pas ce que nous sommes.
Nous sommes tous complexes. Multiples. Différents. Et c’est là qu’intervient la diversité.
En tant que lectrice, j’y prête une vive attention. Je suis les campagnes lancées par les auteurs et lecteurs anglophones, telles que We Need Diverse Books ou encore Diversity in YA. Pourquoi ? Tout d’abord, parce que mes goûts de lecture me poussent vers ces romans, qui ne mettent pas en scène la culture ou les personnages auxquels je suis « habituée ». C’est particulièrement vrai si vous regardez mes bilans lecture, mais pour le plaisir, voici quelques-unes de mes récentes lectures:






Leur point commun, outre le fait de contenir de très belles histoires? Toutes évoquent la diversité.
Justement, qu’est-ce que la diversité, me direz-vous? Loin de moi l’intention de vous livrer un cours magistral, je n’ai pas l’ambition d’être prof. Je ne peux que vous confier mon avis sur le sujet.
D’abord, la diversité, ce n’est pas bannir, censurer ou interdire. Je parlais plus haut de l’omniprésence de poupées pour enfant aux cheveux blonds et aux yeux bleus. Est-ce pour autant qu’il faut les retirer toutes des rayons ? Bien sûr que non. En revanche, y inclure d’autres poupées au physique différent, que ce soit la couleur de peau, des yeux, des cheveux, les formes qu’elles peuvent avoir: oui. L’une n’est pas meilleure ou pire que l’autre, elles sont différentes et méritent toutes deux de figurer dans le même rayon.
Pour revenir à la littérature, c’est exactement ce que je désire lire. Je veux des héros différents. Et cela ne se limite pas seulement à la couleur de peau, des yeux, à l’apparence physique. Je veux lire des mentalités différentes, explorer d’autres cultures, voir des horizons divers.
J’ai lu plusieurs articles, qui renvoient tous au même constat: on redouterait qu’en introduisant des personnages différents, le public soit désorienté et ne sache plus s’identifier aux héros/héroïnes. Je me suis posée la question à mon tour.



4 couvertures illustrant 4 romans que j’ai lus ou que je suis en train de lire. Est-ce que vous pensez vraiment que je me suis basée sur celles-ci pour me poser la question que tout lecteur se pose, inconsciemment, au moment de choisir un livre, à savoir « Vais-je aimer? »
Ce qui revient sans nul doute à s’identifier aux personnages.
Non.
Pour la bonne raison que, passé leur apparence, leur âge ou leur background, ce qui m’intéresse, c’est ce qu’ils ressentent. Ce qu’ils ont vécu. Ce qu’ils veulent. Les obstacles qu’ils rencontrent sur leur route, leurs relations avec leurs familles, leurs amants, leurs amis. Ce qui les fait sourire ou pleurer. En clair, leurs émotions, ce que ces personnages d’encre et de papier parviennent à nous transmettre au fil des pages. Ce qui les rend humains. Ce qui les rend uniques.
Ce qu’ils peuvent exprimer et qui nous fasse réfléchir. Qui nous interpelle.
Car la diversité est aussi là pour nous faire songer à l’autre, à ces différences. Elle remet en question les conceptions que nous pouvons avoir, ces étiquettes dont je parlais plus haut. Et oui, pour ça, il faut aussi parler de thèmes qui peuvent faire peur. Des thèmes qui sont bel et bien présents dans notre vie de tous les jours, mais sur lesquels ont préfère jeter le voile du politiquement correct. Et si c’est nécessaire de les évoquer dans notre vie d’adulte, je pense que c’est doublement nécessaire quand l’on s’adresse aux jeunes.
Si, à présent, je me fous pas mal des stéréotypes, qu’on peut rencontrer à toute époque de la vie, je sais aussi que ça n’a pas toujours été le cas. Ado, je ne correspondais pas, pour diverses raisons, aux canons établis. Je me suis sentie perdue, incomprise, voire même franchement désespérée et ce plus d’une fois. Je sais aussi que c’est en partie dans les livres que j’ai trouvé d’autres manières de penser, des personnages qui n’hésitaient pas à dire tout haut ce que je pensais tout bas, et que que je les aimais justement pour cette raison. Je pense que la jeune fille que j’ai été et qui est toujours là, quelque part, aurait adoré trouver sur son chemin de lectrice des histoires qui reflètent nos différences. Notre diversité.
La diversité m’interpelle forcément en tant qu’auteur. Il y a un conseil qui revient souvent quand on parle d’écriture, c’est Ecrivez ce que vous connaissez, ce qui paraît logique de prime abord. Nous le suivons tous, quand nous nous lançons dans l’aventure, et je ne fais pas exception à la règle. Pourtant, plus j’y réfléchis, plus je me dis que ce conseil peut inconsciemment nous limiter. Poser une frontière face aux horizons que nous aimerions explorer.
Je n’y connais rien dans le fonctionnement d’une navette spatiale ou des coutumes thaïlandaises, est-ce pour autant que je me dois me limiter dans mon écriture ? Et si, justement, j’ai envie de parler d’une astronaute thaïlandaise envoyée en mission pour l’exploration inédite d’une comète (pour rejoindre la récente actualité), hum ?
Vous savez quoi ? L’écriture, c’est aussi une prise de risques. Et oui, je devrai sans aucun doute faire des recherches pour que mon intrigue et mon perso soient réalistes, mais c’est ce qui fait tout le sel de l’écrivain. Si vous pensez par ex. que je n’ai jamais fait de recherches pour les Outrepasseurs et en particulier, pour mon premier tome, qui se passe en partie dans la France du 13e siècle, je peux vous dire que je n’ai pas la science infuse. Et que ce goût de la découverte m’a réservé de très jolies surprises.
Mettre en scène la diversité dans tous ses aspects me tient à coeur. Et les défis qui y sont inhérents, j’aime les relever. C’est le cas par ex. dans mon dernier projet, celui que je suis en train d’écrire, intitulé Qui, de nous deux ? et dont je vous parlais ici. Il y aura sans doute de l’arrachage de cheveux dans l’air quand je l’écrirai/le réécrirai/le corrigerai/l’enverrai aux bêtas. Une routine que les auteurs connaissent. Mon souci, c’est de livrer une histoire qui me plaît, une héroïne qui, si elle ne me ressemble pas par certains côtés, me touche et me fait vibrer. Et aussi d’illustrer cette diversité, qui me tient à coeur.
Cet article est non seulement quelque chose que je voulais vous livrer, mais aussi un appel pour que nous n’oublions pas cet aspect essentiel dans nos vies. Pour qu’on secoue les étiquettes qu’on nous colle souvent bien trop vite; pour qu’on brise les frontières qu’on peut rencontrer; pour qu’on parle aussi de sujets qui sont passés sous silence.
Si, pour vous aussi, c’est important, dites-le. Ecrivez-le. Partagez-le.
Haut et Fort.