Le jeudi sur son 31… Ou quand je fais une allergie au homard!

Exceptionnellement, le RDV lecture de ce blog a été déplacé à jeudi, afin de permettre à certaines collègues de mon cher Whatsapp Book Club de publier aussi leurs billets (ladies, si je ne vois pas vos billets postés d’ici la fin de journée, y’aura des représailles! 😀  )

(D’ailleurs, en parlant de ce Book Club, je tiens à les remercier pour avoir supporté mes râleries sur ce roman. Elles – ainsi que certains proches qui se reconnaîtront – ont été très courageuses!)

Bref, venons-en au fait. Ou plutôt à ce homard qui en définitive, m’a filé des boutons.

rosie_project

Je veux bien sûr parler du Théorème du homard de Graeme Simsion, auteur résidant au Australie, dont c’est le premier roman, et qui s’est vu depuis lors traduire en une quarantaine de langues. La VF vient juste de sortir chez Nil. Cependant, pour cause de tarif numérique plus avantageux, je l’ai lu en VO (d’ailleurs, le titre VO reflète bien davantage le contenu du roman, puisqu’il s’appelle The Rosie Project) (Néanmoins, j’aurais eu plus de mal à faire de – mauvais – jeux de mots si l’éditeur francophone n’avait pas choisi le homard, vous en conviendrez!)

theoreme_homard

Que raconte donc ce homard, joliment – mais faussement, à mon sens – sous-titré « Comment trouver la femme idéale? »

Voici le 4e de couverture:

Peut-on trouver une épouse sur mesure ?
Le professeur de génétique Don Tillman, génie des sciences mais absolument inapte à vivre en société, en est persuadé. Pour mener à bien son « Projet Épouse », Don met au point un questionnaire extrêmement détaillé lui permettant d’éliminer toutes les candidates qui ne répondraient pas à ses exigences.
Et celles-ci sont nombreuses car pour Don, la femme idéale NE DOIT PAS :
1. Fumer et boire.
2. Être végétarienne et aimer la glace à l’abricot.
3. Se lever après 6 heures.
Mais elle DOIT :
1. Faire du sport.
2. Être ponctuelle.
3. Accepter le Système de Repas Normalisé qui prévoit du homard au dîner le mardi.
S il y a bien une personne qui ne remplit aucun des critères établis, c est Rosie Jarman, étudiante le jour et barman la nuit, dont la vie aussi désordonnée que celle de Don est méthodiquement organisée.

Je ne connaissais pas le bouquin avant qu’une des membres du Whatsapp Book Club le suggère et quand j’ai lu cette présentation, je me suis dit qu’il pouvait être sympa.

Et le début, en effet, correspondait bien à mes attentes. Un scientifique brillant, mais complètement inadapté socialement, ce qui donne lieu à bien des situations comiques – je me souviendrai d’une certaine conférence, où on en vient à hurler « Tuez le bébé! » – une volonté de se marier, qui donne lieu au fameux questionnaire, à la base du « Wife Project » (le « Projet épouse » cité dans le 4e…) Vous l’avez compris, ça commençait bien.

Malheureusement, pour moi, ça a continué beaucoup moins bien. Car le « Wife Project » tant vanté cède tout de suite la place au « Father Project », quand Don tombe sur Rosie. Rosie, c’est son antithèse: étudiante en philo, barmaid la nuit, elle ne correspond absolument pas à ses attentes. J’insiste sur ce point, car c’est important. A la suite d’une invitation de son seul ami – Don n’est pas exactement des plus sociables – il reçoit donc chez lui cette jeune femme, s’aperçoit tout de suite qu’elle ne satisfait pas ses critères stricts et en attendant de pouvoir la mettre dehors, est bien forcé d’écouter son histoire.

Quelle est-elle ?

Rosie est persuadée – pour X raisons on ne peut plus floues – que l’homme qui l’a élevé n’est pas son père biologique et que ce dernier est forcément un étudiant de la même promo que sa mère, depuis lors décédée.

C’est là que le premier point « WTF » (What the Fuck si vous ne connaissez pas) est survenu : car aussitôt Don s’intéresse non seulement à cette quasi inconnue, qui – rappelons-le – ne correspond pas à son questionnaire « Wife Project » – mais de plus décide de l’aider (en abandonnant donc son projet marital) et de créer le « Father Project ».

Mais comment s’y prendre pour révéler l’identité du vrai père de Rosie parmi tous les anciens camarades de son père ?

En subtilisant leur ADN bien sûr, sans que les cobayes en aient connaissance, et en le comparant à celui de Rosie. Don étant de plus un brillant généticien, cela se passera sans aucun souci!

Est-ce que vous commencez à voir où je veux en venir ? La raison pour laquelle, si j’avais eu le livre en version papier, je l’aurais claqué à plusieurs reprises contre le mur ? Et pourquoi cette soit-disante comédie m’est restée sur l’estomac ? Non ? Je développe.

On nous présente donc un brillant généticien, attaché de manière quasi obsessionnelle aux règles (surtout dans sa profession, d’ailleurs, au point qu’il entre souvent en conflit avec sa supérieure hiérarchique ) qui soudain, pour un motif inconnu – inutile d’invoquer les sentiments, y’en a pas à ce point de l’histoire –  décide d’aider une inconnue dans sa quête paternelle: d’abord, sans s’interroger sur les motivations de la dite inconnue et comble de l’histoire, il n’hésite pas un instant avant de briser une des règles essentielles en génétique.

(D’ailleurs, il s’agit d’une infraction légale tout court, car si vous ne le saviez pas, subtiliser l’ADN de quelqu’un sans que ce dernier ait donné son accord afin de faire des tests de paternité est passible d’une belle amende et de quelques années derrière les barreaux.)

On me dira qu’il fallait bien un prétexte pour réunir ces deux-là. Certes. Mais quand c’est fait avec autant de subtilité que la tronconneuse s’attaquant à un tronc d’arbre (profitez-en, c’est le jour des métaphores), j’ai du mal à digérer.

D’autant plus que les passages WTF ne s’arrêtent pas là.

 Laissez-moi aussi vous dire que l’auteur ne s’est visiblement pas renseigné sur la méthode pour effectuer des tests de paternité de manière viable – même en n’y connaissant rien moi-même, j’ai trouvé des infos fiables là-dessus en quelques minutes – car le vol d’ADN se passe dans des conditions invraisemblables. Bien entendu, TOUS les échantillons collectés illégalement par Don sont viables, n’en doutez pas.

Mon incrédulité devant le manque de logique (et d’intérêt, à mon sens) de cette histoire aurait pu être compensée (un peu du moins) si je m’étais attachée aux personnages. Manque (total) de bol, ils ne m’ont guère séduit. Entre une Rosie au mieux égoïste, un meilleur ami coureur de jupons et qui ne trouve comme prétexte que son mariage « libre » (bien sûr, ce n’est valable que pour lui hein!), l’épouse du meilleur ami  toujours présente pour les autres & qui a fini par m’énerver devant son manque de réactions face à ce qui se passe dans son ménage… C’est encore Don qui s’en sort le mieux ! (à mes yeux)

(Même si on ne me fera jamais avaler qu’il s’y connaît en génétique et en sciences tout court !)

Il y a des scènes amusantes au début comme je le disais plus haut et j’ai aimé certaines facettes de Don (voir sa relation avec Daphné, très touchante), mais hélas l’intrigue manque de consistance (et de logique) et les personnages se révèlent au passage bien trop fades. Sans parler du dénouement rocambolesque (et bien sûr, les thèmes sensibles, comme le vol d’ADN, sont réglés en deux coups de cuiller à pot. Bien sûr).

En conclusion, un homard creux et sans grande saveur pour moi.

Vous pouvez lire des avis plus enthousiastes chez mes collègues de lecture bloggeuses, Plume de Cajou, Les Lectures de Cécile et Caro Bleue Violette !