Mes abonnés sur les réseaux sociaux le savent, j’ai récemment relu « Dracula » de Bram Stoker (hé non, je n’avais pas fini d’en parler !) Jusqu’ici, je n’étais guère intéressée par le mythe du vampire, exploité avec allégresse depuis la diffusion de « Twilight ». Bien sûr, difficile d’y échapper et je confesse regarder avec plaisir des séries telles que « Vampire Diaries » (c’est dit !). Cependant, l’idée ne m’avait pas encore effleuré de revenir aux sources du mythe et quelle source ! Deuxième aveu : j’avais tort.
Ce roman subit la loi qui s’applique en général à tous les classiques de la littérature : son thème général, ses personnages principaux sont très connus et en même temps, les détails au sujet de l’intrigue restent flous dans la plupart des esprits. C’était mon cas jusqu’à ce que Muse se mette en tête de me le faire relire (la bestiole peut se montrer très persuasive…). Je l’ai donc relu.
Ou plutôt, redécouvert. Car le roman de Stoker est bien davantage une histoire d’amour et d’amitié qu’une histoire d’horreur. Bien entendu, s’il est resté célèbre depuis plus d’un siècle, c’est en grande partie grâce au personnage de Dracula, soyons clairs. La figure du vampire, telle qu’elle y est décrite, non seulement demeure une parfaite figure d’épouvante, qui n’a pas pris une ride, mais en plus a fixé, pour bien des successeurs de Stoker dans la littérature fantastico-horrifique, les règles concernant ces créatures.
Néanmoins, ce qui m’a le plus ébloui dans ce roman, ce sont les opposants de Dracula, ces simples humains qui au début, sont plongés dans une situation totalement incompréhensible pour eux et qui tentent de réagir avec leurs propres moyens (cet aspect est surtout visible avant que Van Helsing ne s’en mêle). Ce thème m’a touchée en particulier, car je l’exploite également dans ma saga des Outrepasseurs.
C’est le côté où Stoker excelle, à savoir les liens qui se tissent entre les personnages. Bien entendu, il le fait selon les mœurs de l’époque – ce qui donne cette noblesse naïve à ces personnages – et le style épistolaire du roman, cette manière d’exploiter le discours indirect peut sembler très lourd. Cependant, passé cet obstacle, je pense que c’est là la véritable force du roman, cette union sacrée des hommes contre le monstre solitaire. Et très mystérieux.
Car, loin de fournir les réponses sur Dracula, Stoker demeure très vague à son sujet, l’entourant d’un secret qui n’est absolument pas levé à la fin du roman. De nombreuses questions restent ainsi en suspens, il n’est guère étonnant que des romanciers s’en soient emparés et aient tenté d’apporter leurs propres réponses.
Avant d’en parler, cependant, un petit mot sur une des adaptations ciné les plus célèbres de « Dracula », je veux parler de la version de Coppola.
Je ne possède ni la culture ni l’expertise nécessaires pour en discuter en détail, je vais juste donner mon avis de néophyte. Car, si je n’ai pas accroché à l’histoire de Coppola, elle garde cependant un mérite, c’est d’expliquer la motivation de Dracula à venir en Angleterre. Bien sûr, on aime ou on déteste sa version des évènements – sans la détester, je dois dire que l’histoire d’amour entre Dracula et Mina Harker ne me semble pas crédible pour un sou – mais elle répond du moins à une des questions laissées en suspens par Stoker. Une autre chose qui m’a dérangée dans ce film, c’est que l’amitié qui unit les adversaires du vampire est oubliée, mise de côté et que Van Helsing, joué par Hopkins, prend une ironie à mille lieues éloignée du personnage original.
Revenons aux romanciers qui ont exploré l’univers créé par Stoker. Là aussi, je ne donne que mon simple avis de lectrice, car je n’ai pas lu tous les livres reprenant le mythe de Dracula. Le premier qui me vient à l’esprit, c’est le déjanté, sanglant et absolument génial « Anno Dracula » de Kim Newman.
Non seulement il change la fin – dans cet univers, Dracula n’a pas été vaincu, mais règne sur une Angleterre victorienne en pleine mutation (et pas uniquement vampirique !) – mais exploite la figure du vampire avec brio. Il se paie même le luxe de revoir l’histoire de Jack l’Eventreur selon ce focus.
Si vous ne connaissez pas, je vous le conseille vivement ! A savoir que la suite d’Anno Dracula va bientôt paraître en français aux éditions Bragelonne et s’intitule « le baron rouge sang. » Tout un programme !
Le deuxième roman s’attache beaucoup plus au personnage historique ayant inspiré Dracula à Stoker, à savoir Vlad Tepes. Avec son « Historienne », paru en français aux éditions XO, Elizabeth Kostova n’entretient qu’une filiation éloignée avec Stoker au niveau de son intrigue. Cependant, là où les ressemblances avec le « Dracula » originel s’affirment beaucoup plus, c’est au niveau du style en « je », qu’utilise la narratrice, une jeune fille, se lançant dans un voyage à travers l’Europe et l’histoire pour retrouver son père et découvrir la vérité au sujet de sa mère. Personnellement, cette quête m’a fascinée.
Voilà, j’espère que ces quelques pistes vous auront intéressé et donné envie de (re)lire l’original. Ce qui est certain, c’est que depuis le comte solitaire dans son château transylvanien jusqu’à la transformation twilightienne en un amoureux transi (et végétarien !) le « Dracula » demeure une énigme. Il n’a pas fini de nous fasciner et de nous poser question. Pour mon plus grand plaisir, d’ailleurs !